
Durant ma jeunesse, je me souviens qu’il y avait dans le couloir de la maison un petit panneau qui disait ceci : “Pour vivre heureux, vivons cachés”.
Aujourd’hui, travaillant dans le secteur de la communication, je me rends compte de la portée de ce message qui est toujours resté dans un recoin de mon cerveau.
Le message était simple et pourtant, lorsque je regarde la vitesse à laquelle les outils de communications se sont développés, je reste toujours béa devant le phénomène inverse.
On veut en dire de plus en plus sur ce qui nous sommes, sur ce que nous faisons et sur ce que nous aimons.
Ce partage voulu ou non de notre vie avec les personnes qui nous entourent ou pas est devenu de nos jours une certaine normalité. Les réseaux sociaux sont pour beaucoup dans ce déballage de nos vies avec ses joies, ses tracas, ses catastrophes, ses décès, ses naissances, ses croyances, ses appartenances politiques, … Certains moins touchés par cette tendance préfèrent ne pas utiliser ces moyens d’expression.
D’autres espèrent trouver une forme de reconnaissance auprès de leurs pairs. Ils partagent les moindres moments intimes de leur vie quitte à devenir impudiques.
Mais c’est peut-être là que se trouve le point de basculement. Quelle pudeur avons-nous encore vis-à-vis du monde qui nous entoure. Quel respect portons-nous encore à autrui ou à soi-même ? Quelle valeur donnons-nous encore à notre vie ou celle des autres.
La presse n’hésite plus à montrer des images choquantes aux journaux télévisés. Est-ce dans un but de capter de l’audience ? Si oui, doit-on diffuserPourquoi montrer des images de prisonniers décapités ? Certaines chaînes françaises ont fait le choix de ne pas montrer ce genre d’atrocités.
Pourquoi montrer sur la toile des gens qui se “cassent la g…” ? Des accidents en tout genre, avec des blessés ou non. Pour pouvoir se moquer de personnes que l’ont ne connait pas. Cet écran qui permet de tout voir permet également de ne pas être touché dans son for intérieur. Quelle serait votre réaction si une vidéo d’un de vos amis qui se fait vraiment mal était diffusée ? Seriez-vous d’accord qu’une vidéo d’une personne de votre entourage proche qui serait malmenée soit diffusée ?

De nos jours des cours sont donnés dans les écoles pour faire prendre conscience auprès des jeunes du danger que peuvent représenter les réseaux sociaux. Les employeurs “googelisent” pour scanner la vie en ligne des personnes qui se présentent à un poste chez eux. Vous pourriez dire que cela n’est pas correct, n’est pas loyal, mais à partir du moment ou ladite personne publie publiquement, pourquoi ne pas regarder ce qui est posté.
Tout comme pour les réseaux sociaux, on pourrait voir aussi une émergence d’une ouverture vers le monde dans l’architecture. Bon nombre de nouvelles maisons sont ouvertes vers l’extérieur, avec de grandes baies vitrées. Ce phénomène a doucement démarré lorsque les vérandas sont apparues. La technologie du verre permet aujourd’hui de faire des surfaces de plus en plus grandes sans joints ni cadres. On ne craint plus de montrer son endroit de vie aux personnes qui passent dans la rue. Est-ce par une érosion de notre pudeur ou pour montrer au passant le bel intérieur que nous avons.
Le paraître prendrait-il le pas sur l’être ?
Les magasins et lieux publics suivent cette même tendance.
Les Apple Stores sont des cubes soit totalement en verre ou avec un côté totalement ouvert vers la rue. Fini les boutiques avec une vitrine masquant les produits à l’intérieur. Les showrooms dans le secteur automobile sont quasiment dans la rue. On recrée un “village” dans le magasin afin que le visiteur ait l’impression de déambuler dans une ville.
La pyramide du Louvre est totalement vitrée afin d’apporter la lumière dans les entrailles du musée. Musées qui étaient auparavant reclus derrière une façade massive comme pour protéger les oeuvres inestimables qui sont à l’intérieur. Le Louvre à Lens est ouvert sur le parc qui l’entoure.
Même dans les restaurants “tendance”, le chef et son équipe cuisinent au milieu des clients. Ceci afin de démontrer aux visiteurs sa capacité de gérer une cuisine sans hurler, de donner à voir la propreté des lieux qui souvent sont masqués et peuvent donc être sujets à suspicion. Ce qui est montré est forcément véritable. Je me souviens à l’époque des réflexions du genre “si on l’écrit dans le journal, ça ne peut qu’être vrai”. Une critique de plus en plus approfondie a pu démontrer que cela n’est pas toujours fondé.
Mais jusqu’où laisserons-nous pénétrer autrui dans notre vie ?
Notre société occidentale qui est tellement attachée à sa notion de vie privée donne-t-elle les outils pour la briser.
Jusqu’où serons-nous prêts à ouvrir notre intérieur ?
Telle est la question !